Empêcher à la femme d’être une femme : cas du Cameroun
Tu n’auras point de seins. Dites cette phrase à une femme et elle vous regardera avec incompréhension. Comment une femme ne devrait-elle pas avoir de seins? Cela ne serait pas contre-nature ? Si avoir des seins vous semble comme la chose la plus normale pour une femme, laissez-moi vous emmener faire un tour au Cameroun à la découverte du « repassage des seins ».
Au Cameroun, et dans bien d’autres pays en Afrique, mais principalement au Cameroun, cette pratique est le supplice d’une fille sur 4. Il s’agit d’un « massage » particulièrement douloureux de la poitrine féminine afin de ralentir au maximum sa croissance. Le but final étant d’éloigner la fille de toute tentation sexuelle et attirance vis-à-vis des hommes.
Dès la première apparition des seins, signe majeur d’une puberté proche ou déjà accomplie, les mères, grand-mères et matrones du village se livrent à cette pratique sur les jeunes filles. La technique est aussi horrible que la stupidité de sa justification. Les instruments utilisés peuvent être des pierres ou encore des gros morceaux de bois qui viennent écraser au maximum la poitrine naissante de ces filles. Le pire, c’est que ces instruments sont chauffés et brûlants. Une victime offre son témoignage à afrik.com
Un jour, ma mère m’a appelée et elle a commencé à me masser les seins avec une pierre chauffée dans le feu. Elle avait un chiffon pour ne pas se brûler et a posé la pierre brûlante sur moi. Elle disait qu’il fallait que la pierre soit bien chaude pour casser le ‘noyau’ qu’il y a quand les seins poussent. Ça faisait très mal. Quand elle massait, je criais tellement que les voisins venaient voir ce qui se passait dans la cuisine.
https://www.youtube.com/watch?v=qJz00zgMBz4
Pourquoi ?
Le repassage des seins vient gonfler le bloc des mutilations faites aux femmes. Surtout de ces mutilations faites aux femmes par des femmes. L’origine n’est pas religieuse ou culturelle. Il n’y a aucune initiation à la vie de la femme qui justifie cette pratique. Dans beaucoup de sociétés où les discussions liées au sexe sont tabou, les mutilations, les interdits et autres discriminations sont monnaie courante. Très souvent les filles et les femmes en sont les premières victimes. Les mères essayent de protéger leurs filles des hommes, des grossesses non désirées et de la débauche. Trop lâches pour s’en prendre aux hommes, elles trouvent la solution en s’en prenant au corps de leurs filles. Plus le corps sera moins féminisé, plus il sera mutilé, moins leur filles seront dans le viseur des hommes. Pourtant la réalité est bien différente, car il n’a pas été prouvé que cette pratique retarde l’activité sexuelle des filles ou qu’elle réduise les grossesses non désirées. Les filles ayant contracté des grossesses non désirées dès leur jeune âge avaient-elles une poitrine bien formée ? J’en doute.
Une pratique sous silence
Contrairement à l’excision dont la connaissance et la lutte sont bien connues, même au-delà des frontières africaines, le repassage des seins reste encore sous silence. Pourtant cette pratique est douloureuse et affecte psychologiquement l’adolescente. C’est dans le silence que les atrocités contre-nature sont accomplies, mais surtout elles perdurent à travers les générations. Les victimes sont amenées à ne pas aimer leur corps, un corps qui s’affirme naturellement. À refouler leur condition de femme en devenir. Pourquoi empêcher à une femme de devenir une femme ?
Des campagnes s’élèvent de plus en plus pour lutter contre cette pratique. Mais comment en vouloir à ces mères qui ne font que reproduire sur leurs filles l’éducation dont elles ont été aussi victimes. C’est la raison pour laquelle les méthodes actuelles privilégient la sensibilisation, la communication entre les parents et les enfants, mais aussi la scolarisation des filles. Le combat est long certes, mais tant qu’il existera des associations qui travaillent d’arrache-pied afin de faire reculer ces mutilations, il y aura un espoir de réduire ces violences.
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