Ramatoulaye

Parce que les hommes africains n’ont rien compris au 8 mars

Depuis ce matin, voir même hier, les réseaux sociaux, les messages radios et télévisés sont devenus l’apanage d’une grande pièce de théâtre avec pour acteurs principaux nos chers amis de la gent masculine africaine. Je vais me limiter aux hommes africains en me basant sur une généralité car ce sont leurs attitudes que j’ai pu analyser et qui sont mises en avant dans ce billet.

Je ne sais pas si les rôles que les hommes africains jouent émanent d’une mise en scène parfaitement orchestrée et saupoudrée d’un peu de sarcasme, ou s’il s’agit de leurs propres rôles, mais une chose est sûre je tiens une « standing novation » en ce 8 mars pour ce spectacle obséquieux, cette comédie pavée de vœux aussi décalés, et ce paroxysme d’hypocrisie. Vous avez vraiment fait fort…..quelques petites leçons s’imposent.

Leçon n°1 :

Le 8 mars est la journée internationale des Droits de la Femme, et non la journée internationale de la Femme ( qui je pense n’existe pas). Pour ceux qui tiennent à glorifier la femme dans un rôle de mère de l’humanité, protectrice des enfants, soignante, éducatrice, sachez que vous êtes en avance, la fête des mères c’est au mois de mai. Pour ceux qui veulent célébrer la femme en tant qu’épouse aimante, qui supporte la bêtise et l’ingratitude de son homme, vous avez un mois de retard; il aurait fallu le faire le 14 février dernier.

Leçon n°2 :

Le 8 mars n’est pas une fête. J’en profite pour demander à mes sœurs du Cameroun de bien vouloir baisser leurs Kabas. C’est une journée de bilan, de planification et de stratégie pour une société égalitaire. C’est aussi un repère de mémoire pour des résultats axés sur la place de la femme dans la société, et les choix qu’elle arrive à faire en toute liberté.

Leçon n°3 :

Le 8 mars n’est pas acquis par les femmes, c’est un mal nécessaire. Cette journée a vocation à disparaître, car son existence est la preuve que les inégalités envers les femmes perdurent. Les femmes n’ont pas attendu un 8 mars pour commencer à pour pondre des enfants, s’atteler au travail invisible des taches ménagères, être victimes des violences conjugales et être les premières victimes dans les zones de conflits. Il est inutile de croire rendre service en les glorifiant de ces rôles. Depuis des décennies, les femmes réclament des places dans la vie politique et économique, elles réclament le droit de disposer de leurs propres corps et de marcher dans des rues sûres pour elles. Le jour où le monde sera à 50/50 hommes/femmes sur tous les plans sociaux-économiques-politiques, l’objectif serait alors atteint et le 8 mars ne serait plus qu’un lointain souvenir.

Leçon n°4 :

L’esprit du 8 mars n’est pas qu’une journée, c’est une attitude constante, chers messieurs. Si vous, les hommes africains, tenez à honorer les droits des femmes, vos messages ne sont d’aucune utilité si vos comportements continuent d’accroître le fossé des inégalités.  Retirez vos costumes d’acteurs de série B et arrêtez de siffler les filles dans les rues (peu importe leurs habillements), acceptez qu’une femme soit votre supérieure hiérarchique, scolarisez vos filles et vos garçons, laissez les femmes voter, arrêtez de les accuser des crimes d’honneur, et foutez leur la paix lorsqu’elles choisissent une sexualité particulière.

Leçon n°5 :

Soyez des féministes.

©UN Photo / Albert Gonzälez Farran
©UN Photo / Albert Gonzälez Farran


Empêcher à la femme d’être une femme : cas du Cameroun

Tu n’auras point de seins. Dites cette phrase à une femme et elle vous regardera avec incompréhension. Comment une femme ne devrait-elle pas avoir de seins? Cela ne serait pas contre-nature ? Si avoir des seins vous semble comme la chose la plus normale pour une femme, laissez-moi vous emmener faire un tour au Cameroun à la découverte du « repassage des seins ».

Au Cameroun, et dans bien d’autres pays en Afrique, mais principalement au Cameroun, cette pratique est le supplice d’une fille sur 4. Il s’agit d’un « massage » particulièrement douloureux de la poitrine féminine afin de ralentir au maximum sa croissance. Le but final étant d’éloigner la fille de toute tentation sexuelle et attirance vis-à-vis des hommes.

Dès la première apparition des seins, signe majeur d’une puberté proche ou déjà accomplie, les mères, grand-mères et matrones du village se livrent à cette pratique sur les jeunes filles. La technique est aussi horrible que la stupidité de sa justification. Les instruments utilisés peuvent être des pierres ou encore des gros morceaux de bois qui viennent écraser au maximum la poitrine naissante de ces filles. Le pire, c’est que ces instruments sont chauffés et brûlants. Une victime offre son témoignage à afrik.com

Un jour, ma mère m’a appelée et elle a commencé à me masser les seins avec une pierre chauffée dans le feu. Elle avait un chiffon pour ne pas se brûler et a posé la pierre brûlante sur moi. Elle disait qu’il fallait que la pierre soit bien chaude pour casser le ‘noyau’ qu’il y a quand les seins poussent. Ça faisait très mal. Quand elle massait, je criais tellement que les voisins venaient voir ce qui se passait dans la cuisine.

https://www.youtube.com/watch?v=qJz00zgMBz4

Pourquoi ?

Le repassage des seins vient gonfler le bloc des mutilations faites aux femmes. Surtout de ces mutilations faites aux femmes par des femmes. L’origine n’est pas religieuse ou culturelle. Il n’y a aucune initiation à la vie de la femme qui justifie cette pratique. Dans beaucoup de sociétés où les discussions liées au sexe sont tabou, les mutilations, les  interdits et autres discriminations sont monnaie courante. Très souvent les filles et les femmes en sont les premières victimes. Les mères essayent de protéger leurs filles des hommes, des grossesses non désirées et de la débauche. Trop lâches pour s’en prendre aux hommes, elles trouvent la solution en s’en prenant au corps de leurs filles. Plus le corps sera moins féminisé, plus il sera mutilé, moins leur filles seront dans le viseur des hommes. Pourtant la réalité est bien différente, car il n’a pas été prouvé que cette pratique retarde l’activité sexuelle des filles ou qu’elle réduise les grossesses non désirées. Les filles ayant contracté des grossesses non désirées dès leur jeune âge avaient-elles une poitrine bien formée ? J’en doute.

Une pratique sous silence

Contrairement à l’excision dont la connaissance et la lutte sont bien connues, même au-delà des frontières africaines, le repassage des seins reste encore sous silence. Pourtant cette pratique est douloureuse et affecte  psychologiquement l’adolescente. C’est dans le silence que les atrocités contre-nature sont accomplies, mais surtout elles perdurent à travers les générations. Les victimes sont amenées à ne pas aimer leur corps, un corps qui s’affirme naturellement. À refouler leur condition de femme en devenir. Pourquoi empêcher à une femme de devenir une femme ?

Des campagnes s’élèvent de plus en plus pour lutter contre cette pratique. Mais comment en vouloir à ces mères qui ne font que reproduire sur leurs filles l’éducation dont elles ont été aussi victimes. C’est la raison pour laquelle les méthodes actuelles privilégient la sensibilisation, la communication entre les parents et les enfants, mais aussi la scolarisation des filles.  Le combat est long certes, mais tant qu’il existera des associations qui travaillent d’arrache-pied afin de faire reculer ces mutilations, il y aura un espoir de réduire ces violences.


Femme et VIH-SIDA : la charge d’être vectrice et porteuse

Mon intention n’est pas de considérer les femmes atteintes du VIH/SIDA comme étant plus en détresse que d’autres. Toute personne atteinte de cette maladie est une personne en détresse, tant le mal réside dans son incurabilité et la marginalisation qu’elle déclenche.

L’Afrique subsaharienne brille par son taux de prévalence important. Mais honnêtement, cette phrase ne veut rien dire car il existe une grande disparité entre les régions, les pays, les classes sociales, et de manière plus significative entre les sexes (nous y voilà). J’ai lu un article qui fait état d’une séropositivité de plus en plus féminisée ; cela m’a fait grincé un peu les dents.

Je ne pense pas que le VIH-SIDA se féminise, je pense qu’il l’a toujours été. S’il y a toujours eu des comportement à risques, je ne pense pas qu’ils aient été le seul apanage des hommes ; d’autant plus que les femmes subissent les comportements à risque des hommes.

Depuis peu, des chiffres démontrent la féminisation du VIH-SIDA. Cette réalité est essentiellement dû à une augmentation du dépistage des femmes. Ce constat est une bonne chose car il illustre une prise en compte de la pandémie par les femmes, et une accessibilité accrue aux centres de dépistage. Cela dit, les importantes inégalités des sexes qui résident en Afrique subsaharienne imposent aux femmes la double charge d’être à la fois vectrices et porteuses du VIH-SIDA.

Les femmes face aux défis de la vulnérabilité économique, sociale et physique

Triste est de constater que l’homme est souvent celui qui décide du « où, quand et du comment » des relations sexuelles. Et encore on parle de relations consentantes. Il est ainsi plus facile de contaminer une femme.

D’abord, des prédispositions biologiques rendent l’appareil génital féminin très perméable à la contamination. La présence de muqueuses, la fragilité des tissus du vagin sont autant de facteurs qui se transforment en portes ouvertes. Ces prédispositions deviennent plus fragilisées pendant le viol. Et lorsque dans un pays comme l’Afrique du Sud, qui détient le plus fort taux de prévalence VIH-SIDA au monde, une femme se fait violer toutes les 17 secondes, cela en dit long sur la difficulté de faire reculer l’apparition de nouveaux cas de contamination.

Ensuite, les inégalités de genre, souvent liées aux rôles sociaux, enferment les femmes dans un déni de la maladie. Un homme sera pardonné d’avoir plusieurs partenaires sexuelles, tandis qu’une femme n’est pas censée en avoir. C’est à ce titre que prédomine la gêne de se faire dépister, sans oublier que même si elle souhaite l’utilisation du préservatif il est difficile pour elle de l’imposer à son partenaire. Beaucoup de femmes mariées apprennent leur séropositivité pendant leur grossesse, grâce au programme mère-enfant. À ce stade une réelle conscience de la gravité de la maladie, et la rigueur dans le traitement sont importants pour empêcher la transmission de la mère à l’enfant.

Enfin, la pauvreté féminine augmente les conduites à risque. Ici je parlerai essentiellement des travailleuses du sexe. Ces dernières contribuent activement à la propagation du VIH-SIDA tant elles participent à leur propre contamination, mais aussi à celle des autres. Obligées de répondre aux exigences des clients qui ne veulent pas utiliser le préservatif, elles se livrent à des relations sexuelles non protégées. Une fois contaminées, la détresse financière encourage beaucoup à continuer à exercer leur métier tout en cachant leur contamination. Ce documentaire fait état d’un constat affligeant lorsqu’une travailleuse du sexe séropositive avoue avoir eu des relations sexuelles avec 15 hommes en un soir, et n’avoir utilisé le préservatif que pour 5 d’entre eux.

Une lutte sur deux fronts

Aujourd’hui, les centres de dépistage augmentent en nombre, les États favorisent de plus en plus la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les couts du traitement du VIH-SIDA sont continuellement accessibles. On pourrait dire que tout va bien, mais pourtant persistent des lacunes dans la prévention. Il est certes important de sensibiliser les femmes, notamment pour empêcher la contamination de la mère vers l’enfant, mais le plaidoyer contre les conduites à risques doit fortement impliquer les hommes.

À ce stade, il s’agit de comportements sexuels, d’actes qui relèvent de l’intime et du privé. On est loin de la scolarisation de la jeune fille ou de l’accès à l’emploi, on est dans la sphère privée. Dans la mesure où le préservatif féminin est moins adopté, et que des gels spermicides satisfaisants et abordables ne gagnent pas le marché africain, l’utilisation du préservatif doit être systématique pour éviter la contamination des autres et de sa propre famille.